Perché sur les pentes verdoyantes du mont Agung, le temple de Besakih s’impose comme le cœur spirituel de Bali. Souvent surnommé le « temple-mère », il incarne la matrice de la foi hindoue balinaise et se présente comme un véritable complexe sacré, rassemblant plus d’une vingtaine de temples et une multitude de sanctuaires dédiés aux divinités protectrices de l’île. Au premier abord, le site éblouit par sa taille et son agencement, mais aussi par l’atmosphère de sérénité qui y règne. Loin de l’animation des plages, le voyageur qui parvient jusqu’ici se sent transporté dans une autre dimension, celle d’une Bali sacrée et ancestrale, où chaque détail semble imprégné d’une énergie invisible. Le panorama, composé des terrasses successives, des toits de chaume qui se chevauchent, des bannières colorées flottant dans la brise, et de la majesté du mont Agung en arrière-plan, offre un spectacle inoubliable. C’est en arpentant ces différents niveaux que l’on découvre un univers complexe, où le spirituel se mêle au naturel, où les rites sacrés cohabitent avec la vie quotidienne des fidèles. Besakih est bien plus qu’une simple attraction touristique. C’est un pèlerinage intérieur, une rencontre avec le cœur vivant de Bali, qui dévoile au visiteur patient et respectueux ses plus beaux secrets.
La naissance du temple de Besakih remonte à des temps très anciens, bien avant que les premiers voyageurs occidentaux ne découvrent les charmes de Bali. Les Balinais considèrent que Besakih existe depuis l’époque pré-hindoue, lorsque l’île était peuplée de communautés animistes vivant en harmonie avec la nature et vénérant les esprits de la terre, des forêts et des montagnes. L’arrivée de l’hindouisme, importé de l’Inde par les routes maritimes et assimilé aux croyances locales, donna un nouveau souffle à ces traditions, fusionnant les divinités hindoues avec les esprits autochtones.
Le temple de Besakih s’imposa alors comme le centre religieux de cette nouvelle religion balinaise, marquée par un syncrétisme subtil entre hindouisme et culte des ancêtres.
Au cours des siècles, le complexe de Besakih n’a cessé de s’agrandir et de se perfectionner. Les souverains balinais, conscients de l’importance symbolique et spirituelle du lieu, y ont régulièrement investi ressources et savoir-faire. Diverses dynasties ont ainsi contribué à enrichir le site, élevant des temples dédiés aux grandes divinités du panthéon hindou, Agung, Brahma, Vishnu, Shiva, mais aussi aux ancêtres de certaines lignées nobles.
Le mont Agung, considéré comme la montagne sacrée, la plus haute de l’île, renforce la portée cosmique de l’endroit. Selon la cosmologie balinaise, Besakih incarne le centre de l’univers, le point de rencontre entre la terre, le ciel et les mondes invisibles.
Malgré les colères volcaniques de l’Agung, qui ont parfois menacé l’intégrité du site, le temple a résisté au temps et aux éléments. Les éruptions volcaniques, notamment celle de 1963, ont mis le complexe à rude épreuve, mais le temple-mère a survécu, interprété par les fidèles comme un signe de la protection divine. Cette longue histoire, tissée de croyances et de résilience, confère aujourd’hui à Besakih un statut unique, symbole de la ferveur religieuse et du lien immémorial entre l’homme et la nature à Bali.
La découverte du temple de Besakih est une expérience qui demande une certaine préparation, mais qui offre en retour des sensations inoubliables. On arrive souvent tôt le matin pour éviter l’affluence, avant que le soleil tropical ne réchauffe trop fortement les terrasses de pierre. Le chemin menant au site traverse des paysages ruraux, des rizières en terrasses, des hameaux paisibles et des forêts profondes, qui mettent déjà le visiteur dans une disposition d’esprit particulière. Arrivé à l’entrée du complexe, on ressent une forme de solennité. Il n’est pas rare de croiser des fidèles en tenue traditionnelle, portant des offrandes multicolores dans des paniers en feuilles de palmier. La procession des fidèles, la musique lointaine des gamelans, le parfum de l’encens qui flotte dans l’air participent à l’enchantement.
Le temple de Besakih n’est pas un seul édifice, mais un ensemble complexe, avec des temples principaux et secondaires, des pagodes à plusieurs toits appelées meru, des autels ornés de sculptures de pierre, des pavillons de repos, des escaliers monumentaux. On progresse par paliers, grimpant d’une terrasse à l’autre, découvrant de nouveaux points de vue sur la vallée et les sommets environnants. Les trois temples principaux, dédiés à Shiva, Brahma et Vishnu, représentent le cœur de la trinité hindoue vénérée à Bali. Chacun a son propre style, sa propre énergie, et les cérémonies qui s’y déroulent tout au long de l’année rythment la vie religieuse des Balinais. Le mélange de ferveur sincère et de beauté architecturale confère au lieu une aura unique.
Si le visiteur ne peut pas pénétrer dans toutes les enceintes, certaines étant réservées aux fidèles, il est toujours possible d’admirer les détails de la pierre sculptée, les motifs floraux, les gardiens sculptés aux visages protecteurs, et les porteuses d’offrandes qui placent soigneusement leurs paniers colorés sur les autels. Les jours de cérémonie, le temple s’anime particulièrement. Les familles, vêtues de sarongs élégants et de chemisiers blancs, convergent vers les temples, portant parfois des pyramides de fruits, de gâteaux et de fleurs. Les prières, les chants, les danses traditionnelles ponctuent ces moments d’une intense émotion. L’ambiance des jours ordinaires est plus calme, laissant au voyageur la liberté de s’imprégner du silence, du bruissement du vent dans les arbres, du chant lointain d’un coq, et de la présence discrète des statues.
Visiter le temple de Besakih nécessite un certain état d’esprit et quelques précautions. Il est important de se rappeler qu’il s’agit avant tout d’un lieu de culte, où les habitants viennent se recueillir et honorer leurs dieux. Une tenue décente est donc de rigueur, le port du sarong étant souvent obligatoire. Un sarong peut être loué ou acheté à l’entrée. Arriver tôt permet d’éviter la foule et de profiter d’une lumière douce sur les temples et le paysage environnant. La montée par les escaliers peut demander un peu d’effort, mais la récompense est à la hauteur des espérances. Un guide local peut grandement enrichir la visite, car il sait raconter les légendes, les significations symboliques, les gestes sacrés, les liens entre les différentes structures du complexe. Ses explications permettent d’aller au-delà de la simple contemplation et d’entrer dans la compréhension du sens profond de chaque élément.
Il est conseillé de rester vigilant aux sollicitations, car de nombreux vendeurs peuvent proposer insistance, services ou objets souvenirs à l’approche du temple. Garder le sourire, échanger quelques mots, marchander si nécessaire, fait partie de l’expérience, mais sans se laisser envahir. Privilégier le respect envers la population locale, leur laisser le passage lors des processions, éviter de pénétrer dans les espaces réservés aux fidèles, sont autant de gestes qui montrent votre considération pour les coutumes et les croyances locales. Le temps de la visite n’est pas un sprint, mais plutôt une promenade, un moment pour respirer, ressentir et contempler. Il est même possible de s’asseoir quelques minutes, de fermer les yeux, d’écouter le murmure du vent, de sentir la présence des dieux qui, selon la tradition, habitent ces montagnes.
Pour s’y rendre, la plupart des voyageurs optent pour un chauffeur privé, une voiture de location ou une excursion organisée. Les routes menant à Besakih sont sinueuses mais offrent des panoramas sur les paysages typiques de Bali. Le temple se trouve dans l’est de l’île, une région souvent moins fréquentée, mais non moins riche en découvertes. Il est judicieux de profiter du déplacement pour explorer d’autres curiosités alentour, comme les rizières, les petits villages, les marchés locaux, afin de compléter son immersion dans la culture balinaise. Le temple de Besakih est un pilier de cette culture, une clé permettant de mieux comprendre ce qui fait l’âme de Bali, ce lien indéfectible entre l’homme, la terre, les dieux, et le temps qui passe sans jamais effacer les traditions.